Michael Dillon en quête de lui-même, aura ouvert la voie, à la fois d’un point de vue scientifique et social, à l’acceptation des transidentités.
L’histoire des chirurgies d’affirmation de genre est fascinante; elle commence par des hommes et des femmes inspirants qui bravent les préjugés et contournent la loi pour faire ce qu’ils croient être juste. Les premiers cas de transitions chirurgicales sont parfois difficiles à retracer, puisqu’elles ont lieu souvent clandestinement, et qu’on brouille parfois les pistes pour protéger les gens concernés. Michael Dillon, le premier homme trans à avoir eu une phalloplastie, était un pionnier du mouvement qui dut braver la censure sociale.
Né en 1915, issu d’une lignée de baronnets de la noblesse irlandaise en fin de parcours, Laura Dillon, comme beaucoup d’homme trans, ne s’est jamais senti bien dans sa peau. En tant que femme, il se sent autre, il se sent différent, il déteste les robes parce qu’il sent qu’elles annihilent son existence, il frémit à l’idée d’être touché par un homme. Il préfère supporter les insultes et les quolibets plutôt que de porter ce que la société lui prescrit, et se crée une carapace émotionnelle pour ne pas montrer aux gens que leurs propos le blessent.
En 1938, à l’âge de 23 ans, ayant complété ses études universitaires, il devient officiellement la première femme à prendre de la testostérone dans le but de débuter une transition. Bientôt, Laura « passe »: il se fait appeler Michael, travaille dans une station-service, et disparait dans la masse des hommes, grands, barbus. Il dira plus tard que c’était ce qu’il avait toujours voulu; être ordinaire, ne plus attirer l’attention.
Au début des années 40, Michael est allé au bout de son hormonothérapie, et, ayant entrepris des études de médecine en tant qu’homme, part en quête d’un chirurgien qui pourra continuer la modification de son corps. Selon son témoignage, un pénis, plus qu’un atout lors de relations sexuelles, lui offrirait de la sécurité; dans les toilettes, dans les douches des clubs sportifs ou à l’hôpital en cas d’urgence. Dans une société qui n’aurait jamais pu accepter que ce frère de baronnet fût autrefois une femme, il devait cacher son passé.
Il découvre Sir Harold Gillies, un chirurgien plastique qui a travaillé sur des soldats mutilés pendant la Première Guerre Mondiale. Celui-ci dirige un hôpital dans une petite localité de la campagne anglaise, Rooksdown, où les blessés de guerre, mutilés et défigurés, réapprennent à être heureux, sans jugement, à dose de vernis à ongles bleu, de promenades en bicyclette, cours de dance, acceptation et patience. Un havre de paix à la philosophie étonnamment moderne. Là, Michael Dillon subira en tout 13 opérations chirurgicales qui s’étalent sur plusieurs années.
À l’université, à l’hôpital, dans sa vie sociale à Dublin, Michael doit mentir pour expliquer ses absences et ses convalescences; il dit avoir été blessé pendant le Blitz. Pour sauver les apparences, il a parfois des rendez-vous galants avec des jeunes filles; mais jamais de deuxième fois. Il n’ose pas se révéler à qui que ce soit, voir la déception dans les yeux de quelqu’un ou risquer un scandale, ou pire, une réjection. Il se crée une réputation de vieux garçon, éternel célibataire, un peu misogyne.
Sa solitude sera brisée par sa rencontre avec Roberta Cowell, la première femme trans britannique à recevoir une chirurgie d’affirmation de genre. Dillon, devenu médecin, pratiquera sur elle une orchidectomie, et Gillies procédera à une vaginoplastie par la suite.
Dillon devient par la suite célèbre en publiant un livre très controversé. Pour échapper à la célébrité, il s’enfuit en Inde où il devient moine bouddhiste et meurt en 1962, à l’âge de 47 ans.
Michael Dillon en quête de lui-même, aura ouvert la voie, à la fois d’un point de vue scientifique et social, à l’acceptation des transidentités. Cet homme qui ne cherchait qu’à se sentir bien dans sa peau aura eu besoin de constamment se justifier, se protéger, se défendre; une leçon de bravoure pour tous.