De nos jours, la Fierté gaie, ou encore les « Pride », est vue comme une semaine de célébration de la culture gaie, mais à ses débuts, la Fierté gaie soulignait le droit des personnes homosexuelles à manifester pour leurs droits.
Il est facile d’oublier que ce qui a mené aux fêtes et aux parades était, en réalité, des actes de résistance par des personnes marginalisées, trans et de couleur. Pour ne jamais tenir pour acquis les droits des membres de la communauté LGBTQI+, rappelons-nous l’histoire des Pride et des évènements qui ont mené à ces célébrations.
Il y a 50 ans, aux petites heures du 28 juin 1969, la police fait une descente dans une taverne new-yorkaise, le Stonewall Inn. À cette époque, les personnes homosexuelles sont largement perçues comme des criminelles ou des délinquantes. Cette taverne, qui n’a ni permis d’alcool ni même d’eau courante, est un sanctuaire où les membres de la communauté LGBTQI+ peuvent se retrouver et s’exprimer sans être harcelés. En ce temps-là, la police a le droit d’arrêter et de détenir toute personne qui semblait être un homme en drag, ainsi que toute personne qu’elle perçoit comme femme si elle portait moins de trois articles de vêtement dits « féminins ».
Lors de cette intervention, qui donne le pouvoir à la police d’identifier et de vérifier physiquement le genre des 200 clients présents, une femme trans et drag queen en a ras-le-bol. Marsha P. Johnson, une femme trans afro-américaine, aujourd’hui largement reconnue comme une icône des droits LGBTQI+, lance son verre avec détermination sur un miroir et son geste de protestation fait éclater une révolte qui durera plusieurs jours et mènera à la naissance du mouvement moderne pour les droits LGBTQI+ et à la première marche de la Fierté gaie aux États-Unis en 1970, organisée par Brenda Howard. C’est son idée d’étendre les activités sur une semaine, format toujours en vigueur aujourd’hui.
Au Canada, le mouvement pour les droits de la communauté LGBTQI+ commence au même moment. En 1969, l’homosexualité est décriminalisée et deux ans plus tard la première manifestation pour les droits des personnes gaies a lieu à Toronto. Malgré la décriminalisation, au cours des années 1970 et 1980, les raids et les descentes se multiplient et deviennent des évènements catalyseurs pour la libération des membres de la communauté LGBTQI+. Ces évènements marquent un point tournant et provoquent des changements culturels importants.
Les descentes dans les bains publics, souvent fréquentés par les hommes gais, radicalisent le mouvement. En 1974, quatre personnes sont arrêtées dans un bain public au Nouveau- Brunswick. Ce fût une des premières fois où la presse canadienne a relevé le fait gai et lesbien. En 1975 et 1976, des rafles ont souvent lieu à Montréal, sous le règne du maire Jean Drapeau, afin de « nettoyer » la ville avant les Jeux olympiques de 1976. Un an plus tard, 146 personnes sont arrêtées par 50 policiers au bar Truxx à Montréal dans une opération de style militaire. On interdit même aux personnes arrêtées de contacter leurs avocats. Puis, en 1981, une des arrestations de masse les plus importantes de l’histoire du Canada a lieu quand 300 personnes sont arrêtées dans quatre bains publics de Toronto lors de l’Opération Savon. Cette intervention marque un point tournant au Québec et ce dernier est considéré comme l’équivalent de la révolte Stonewall au Canada.
Malgré les nombreuses descentes policières au pays, c’est en 1973 que se déroule la première semaine de la Fierté gaie dans plusieurs grandes villes canadiennes. La programmation inclut un festival des arts, de la danse, un pique-nique, une projection de documentaires et un rassemblement pour les droits des homosexuels. Ce mouvement marque l’émergence des concepts de libération gaie et de fierté gaie ou de gay pride, auparavant gay power.
Dans les années 1970 et 1980, la communauté LGBTQI+ fait appel à la reconnaissance de leurs droits lors des marches de la fierté. On revendique des changements juridiques qui permettront de révolutionner la perception publique, et d’apporter un soutien plus large à la cause. La première Marche pour la Fierté lesbienne a lieu en 1981.
Dès 1973, l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. En 1977, à la suite de la descente au bar Truxx, le Québec devient la première province à inclure l’orientation sexuelle dans sa Charte des droits et libertés de la personne. Il est désormais illégal de discriminer les personnes homosexuelles au travail et en matière de droit au logement.
Au cours des années 1990 et au début des années 2000, le Canada fait d’énormes progrès pour le droit des homosexuels. En 1992, la Cour fédérale permet aux personnes homosexuelles de se joindre à l’armée et l’année suivante, la Cour suprême décide que les gais et lesbiennes peuvent faire une demande de statut de réfugié si leur pays d’origine les persécute. En 1995, les couples homosexuels peuvent légalement adopter des enfants en Ontario, et l’orientation sexuelle est incluse dans la Charte canadienne des droits et libertés. En 2003, la Loi sur le mariage civil permet finalement aux couples homosexuels de se marier. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé retire le transsexualisme des maladies mentales. En 2020, les Libéraux présentent le projet de loi C-8, visant à criminaliser les pratiques liées à la thérapie de conversion. Le Québec compte aussi un projet de loi allant dans le même sens. Grâce à ces progrès, le Canada figure maintenant parmi les meilleurs pays au monde en ce qui concerne les droits des personnes homosexuelles, même s’il reste du chemin à faire.
Partout à travers le monde, les festivals de Fierté gaie choisissent des thématiques pertinentes et des ambassadeurs et ambassadrices à l’image de leurs communautés. La Fierté est un rappel annuel sur l’importance de continuer à défendre les droits fondamentaux des personnes LGBTQI+. Les jalons ont été posés par des individus exceptionnels, qui ont lutté contre la discrimination systémique, la brutalité policière, la violence physique et les perceptions publiques. C’est en leur honneur que la Fierté gaie est fêtée chaque année.